Mise en scène de l’enfermement
- Mino Lesani
- 14 juil. 2024
- 3 min de lecture
L’image du corps féminin au cinéma turc
Fatima LESANI
Master 1 Cinéma et Audiovisuel
Esthétique au cinéma
Juin 2024

Introduction
Dans la vie réelle, être enfermé dans un endroit est insupportable, ennuyeux et parfois anxiogène. Ce que l’homme a expérimenté avec l’épidémie de COVID-19 en 2020 peut nous donner un schéma d’enfermement dans notre vie réelle. Mais cette situation est acceptable quand nous avons tous la même condition humaine. L’homme a surmonté cette expérience difficile, mais dans certains endroits du monde, il y a des femmes enfermées chez elles, non en raison d’une épidémie, mais plutôt à cause d’un contexte social conservateur, patriarcal ou religieux. En Afghanistan, par exemple, les femmes ont perdu tous leurs droits après la chute de Kaboul aux mains du régime taliban le 15 août 2021. Au départ, le régime a promis que les femmes seraient autorisées à exercer leurs droits dans le cadre des lois de la charia – notamment le droit de travailler et d’étudier – mais ils ont systématiquement éliminé les femmes et les filles de la vie publique.Ce fait m’a conduit vers le sujet de l’enfermement au cinéma, notamment le film Mustang (Deniz Gamze Ergüven, 2015). La réalisatrice explique que ce film est un cri de colère et un cri pour les droits des femmes en Turquie. « Le film dénonce la montée du conservatisme dans la Turquie contemporaine. »
Ce film raconte l’histoire de cinq sœurs enfermées chez elles par leur famille après avoir joué avec des garçons pendant un jour de congé à la plage. Autrement dit, elles sont retenues par les normes patriarcales et conservatrices de la communauté du village. Avec la séquence où elles cueillent des pommes dans le jardin, nous constatons que cet enfermement est aussi influencé par la religion. Cette scène renforce celle de la mer et fait référence à l'ampleur de leur scandale et aux conséquences à l'avenir. Moreillon dans l’article la Pomme : féminité et renaissance indique que la pomme est l'image de la féminité et de la volupté et dans le récit de la Genèse depuis des siècles, la famme est auteure du péché originel et responsable de la chute de l’humanité. Donc, dans cette séquence, du point de vue de la religion, elles ont mangé la pomme interdite et leur jeu est interprété comme lubrique. Cela les fait sortir du paradis et les emmène en enfer. Elles chutent de leur enfance et de leur adolescence au monde des adultes après ce jour-là. Le quotidien de ces jeunes filles change du jour au lendemain et conduit à l’enfermement à domicile. Les contraintes imposées aux filles s'intensifient progressivement et chaque fois qu’elles essaient d’en sortir, leurs restrictions sont renforcées par leur famille, façonnant ainsi la vie de ces jeunes filles.
Problématique
Dans cet article, j'essaie d'aborder les notions suivantes d'un point de vue visuel : le patriarcat, le conservatisme, la religion, la tradition et leur lien avec l'enfermement. Comment le spectateur perçoit-il ces concepts à travers des éléments visuels et sonores, la langue cinématographique et, en fin de compte, le film ? Notre question principale est donc ;
Comment la langue cinématographique traite la notion de l’enfermement dans le film Mustang ?
J. Connelly dans son livre Confinement and Cinema écrit ; si la tension narrative se concentre principalement en un seul lieu, il s'agit alors d'un cinéma de l'enfermement. Bien que ce film ne soit pas limité à un seul endroit, le traitement de l'enfermement en est le point central du récit et de la mise en scène. En effet, « les thèmes de l’enfermement et de l’émancipation trouvent une équivalence dans la construction du récit. » Autrement dit, si la maison est la prison, il faut un autre endroit pour en sortir. Dans le film Mustang, la caméra observatrice se déplace partout. L’œil de la caméra représente le regard de Lale, la narratrice, et nous sommes immergés au cœur de ses souvenirs.
On ne peut pas insister uniquement sur le terme de l’enfermement à domicile dans notre problématique, car en plus de la maison, il existe également une expérience de l’enfermement en plein air. Malgré le fait que les filles sortent souvent de ce confinement et que le spectateur les voit parfois à l'extérieur ou sur la petite route du village, pourquoi les figures du corps restent-elles enfermées dans l’image ? Pour répondre à notre problématique, l’analyse de l’encerclement des événements radicalisés et anachroniques dans le récit en lien avec le quotidien , l’enfermement à domicile et en plein air, constituent les trois parties abordées dans cet article.
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